Je crois avoir eu l’occasion, ici où là, de vous dire l’admiration que je porte à Elliott Erwitt.
Je n’aime traditionnellement pas les idoles mais ce photographe décédé il y a bientôt deux ans est des personnes que j’aurais aimé rencontrer. Son oeil, et quel oeil, accompagnait un humour délicat et un amour sans pareil des chiens, des femmes et de la vie. Et puis, il transpirait l’humilité et c’est important l’humilité dans un monde où les égos se cultivent à grands renforts de réseaux sociaux.
Bref, Erwitt est au titre de mes inspirations photographiques. J’ai à la maison une collection de ses livres dans lesquels je replonge régulièrement, toujours avec la même joie candide. Et parmi eux, il y a Sequentially yours.
Dans cet album photographique, Erwitt se situe à mi-chemin entre le photographe et le cinéaste, il dévoile des séquences photographiques qui enchainent les clichés pris les uns à la suite des autres avec quelques secondes d’écart, à la recherche du moment décisif. L’anti Cartier-Bresson en somme !
La scène présente les ingrédients mais il manque un quelque chose qu’on ne sait pas qualifier sur le coup. Alors on déclenche de peur de passer à côté et puis bang !, là, un peu par chance, un peu par persévérance, surgit la photo convoitée, l’instant où tout s’assemble.
Et bien ce jour-là, j’ai vécu ce moment extraordinaire. J’étais sur l’esplanade de la BNF en quête de quelques photographies.
J’arrive à l’angle de l’une des tours Est, la T2, je vois les passants entre les vitres de ladite tour et le mur de métal, les deux recouverts de multiples reflets. Je me dis que l’endroit se prête à la photo. Je me poste. J’attends. Quelques passants mais rien qui ne commande l’oeil.
Soudain arrivent en même temps un vieil homme couvert de son béret, tout de noir vêtu, et une jeune femme en noir et blanc. Je déclenche.
Séquence 1
Ils m’ont vu mais je ne me satisfais pas de la prise. Je re-déclenche.
Je tiens quelque chose. J’insiste. Nouveau déclenchement.
Séquence 3
Et puis, cela est fini, exactement 3 secondes séparent ces trois photos. 3 secondes de grâce. 3 secondes à la recherche de l’idéal insaisissable.
La photographie, c’est la synthèse d’une situation. L’instant où tout s’assemble. L’idéal insaisissable.
Elliott Erwitt





