Cela fait maintenant de nombreuses années que je m’adonne à la photographie. J’y trouve toujours un apaisement quand appareil à la main, et seul, je me mets en recherche d’un objet photographique. Je déambule, divague du regard en attendant l’étincelle, déplie mon trépied, renonce ou insiste et puis repars à la quête d’une autre proie. Heureusement, elles sont souvent statiques car je m’adonne principalement ces derniers temps à la photographie de paysage.
C’est du reste assez amusant de voir combien j’ai pu évoluer au cours de ces dernières années
Longtemps, je n’ai fait que du portrait, d’amis, de la famille ou d’inconnus. Ces derniers sont toujours restés plus rares car je n’ai jamais réussi, à mon grand désespoir, à être un « street photographer« ; une forme de timidité certainement ou une faible appétence pour le voyeurisme. Le paysage m’ennuyait formidablement et je ne comprenais pas l’intérêt que l’on pouvait trouver à attendre des heures qu’une belle lumière vienne parfaire une composition découverte après une marche d’approche parfois vaine.
Aujourd’hui, le « landscape » est devenu un besoin, essentiel à mon équilibre émotionnel. La marche – ou le vélo mais c’est souvent plus dangereux, pour moi en tout cas – qu’implique la recherche du « spot » est souvent un moment de quiétude, teinté de l’appréhension aiguillante d’arriver trop tard ou nulle part. Le cérémonial de la préparation – trépied, réglages, installation d’éventuels filtres – est souvent un instant de détachement assez surprenant où les gestes sont des automatismes, une fois que l’oeil a commandé. Et puis l’attente ou la précipitation.
L’attente quand on est arrivé trop tôt par rapport à la lumière du soleil, parce qu’il fait encore nuit noire ou plein jour. L’attente encore quand les conditions météo ne sont pas au rendez-vous et qu’on espère que les éléments vont se mettre en place.
La précipitation quand au contraire on est arrivé trop tard et que le soleil pointe déjà ses ardents rayons ou, qu’au contraire, il va disparaitre derrière l’horizon.
Et puis l’on fait cette photo que l’on est venu chercher et qui nous a été – ou pas !- offerte. Et alors on repart heureux, inquiet ou dépité suivant ce qui nous a été permis de réaliser.
Ce qui est certain c’est que ce n’est alors qu’un début. Il nous faut rentrer, faire le chemin en sens inverse ou choisir une boucle qui nous offrira peut-être des opportunités de repérage.
Et une fois rentré, il nous faut révéler ce que nous avons capturé. Quelques préalables toutefois sont nécessaires : il faut que la photographie ait un potentiel car le développement ne fera jamais d’une photo ratée une oeuvre acceptable et encore moins le chef d’oeuvre de notre vie.
A l’aide de quelques outils de développement et de retouche, je vais essayer de donner à mon fichier brut l’éclat et la beauté que j’avais dans les yeux au moment de la prise de vue.
Profitez en car il est très rare qu’un photographe vous laisse approcher un de ses fichiers bruts ! Vous pourrez constater, en manipulant le curseur, le chemin parcouru entre l’avant et l’après.
Et puis, lorsque j’ai fini, surgit alors le désespoir : moi qui me voulais « artiste », je ne suis au final qu’un sinistre tripatouilleur de curseurs, un ersatz de peintre. La photographie, ne serait-elle pas un art mineur ?
Un art majeur demande une initiation. Pas comme les conneries que nous faisons, nous !
Serge Gainsbourg
Apostrophe – 26 décembre 1986