A la vue de la photo du jour, je vous entends déjà soupirer : « il va encore nous parler de ses insomnies… à la fin, c’en est assommant ! ». Mais non, aujourd’hui, elles n’y sont pour rien : j’ai volontairement mis mon réveil à 4h30 car, après avoir consulté la météo la veille, j’avais bon espoir de pouvoir capturer de belles lumières. Le soleil serait là et les nuages certainement, vu leur propension récente et quelque peu agaçante, à s’inviter tous les jours. Ensemble, et pour peu que la grâce s’en mêle, ils font à l’heure dorée souvent bon ménage.
Cela faisait plus de deux heures maintenant que j’étais sur le plateau de Gergovie. La lumière avait été belle et les quelques averses que j’avais essuyées ne m’avait pas découragé, pas plus qu’elles n’avaient intimidé mon appareil. J’avais, j’en étais convaincu, quelques prises qui me conviendraient et cela m’avait réconforté après quelques semaines où je n’avais produit que des clichés maladroits ou des images timides et paresseuses.
Je rejoignais la voiture quand je vis sur ma droite, arrivant à bonnes foulées par un chemin perpendiculaire au mien, un joggueur. Il était, comme tous ceux que je croise à l’aube, élancé et ne semblait qu’à peine essouflé. Ses foulées vigoureuses portaient au vent son tee-shirt fluorescent comme un étendard flamboyant.
Pour venir régulièrement sur le plateau attendre notre bonne étoile ou m’y promener en famille, j’en connais assez bien la topographie et je savais donc que l’homme arriverait dans quelques secondes en haut d’une butte ou sa silhouette se dégagerait parfaitement sur le ciel. Pour autant, j’étais mal placé car des haies sur ma gauche ne me permettaient pas de cadrer convenablement. J’avais juste le temps de rejoindre une trouée quelques mètres plus loin, d’ajuster un minimum ma composition et il serait là.
Il y était en effet et tournait déjà, et ce ciel magnifique m’offrait les dernières étincelles de cette sortie photographique. Et au moment de déclencher, dans ces éthers sombres et tourmentés, Victor Hugo pour accompagner cette mélancolie dont on dit que mes photos et mes textes sont faits :
Moriturus moriturae !
Le voile du matin sur les monts se déploie.
Vois, un rayon naissant blanchit la vieille tour ;
Et déjà dans les cieux s’unit avec amour,
Ainsi que la gloire à la joie,
Le premier chant des bois aux premiers feux du jour.Oui, souris à l’éclat dont le ciel se décore ! –
Tu verras, si demain le cercueil me dévore,
Un soleil aussi beau luire à ton désespoir,
Et les mêmes oiseaux chanter la même aurore,
Sur mon tombeau muet et noir !Mais dans l’autre horizon l’âme alors est ravie.
L’avenir sans fin s’ouvre à l’être illimité.
Au matin de l’éternité
On se réveille de la vie,
Comme d’une nuit sombre ou d’un rêve agité.Victor Hugo
Odes et ballades. 1822
Un courageux lever matinal qui est lumineusement récompensé…
Magnifique restitution, tant technique qu’esthétique, de ce que la Nature peut offrir…
Elle a ce pouvoir de toujours ramener l’Homme à l’essentiel: l’humilité et le respect.
« Comme un phare dans l’orage » n’est pas sans me rappeler la poésie à la fois fragile et tempétueuse de « Champs sous un ciel d’orage » de Van Gogh.
Respect, Monsieur l’Artiste!
si belle et si fragile, cette Terre qui nous enchante……