Ah que ces temps sont propices à exprimer mélancolie et spleen. Ce sentiment doux-amer qui vous emporte dans les noirceurs de l’âme où de loin en loin resplendissent quelques lueurs réconfortantes.
Souvent, je suis le coeur empli d’un sentiment curieux. Ce n’est pas vraiment de la tristesse, pas plus de la peine. Aucun découragement non plus, et guère plus d’inhibition, ce qui permettra rapidement de rassurer le praticien qu’il n’y a derrière cela aucun excès de bile noire ni mélancolie stuporeuse.
Et pourtant, je suis souvent envahi de quelque chose d’étrange, un sentiment qui vous ferait voir le monde en noir ou pour le moins en teintes de gris : une forme de nostalgie épaisse qui vous emprisonne d’une gangue liquoreuse et ankylosante.
Mais disant cela, je me rends bien compte que je n’arrive pas à exprimer pleinement par les mots cet état d’esprit alors je prends des images tel l’enfant devant son imagier quand les mots lui sont encore trop durs à évoquer.
Le poète, lui, sait dire ce que j’éprouve car qui mieux que lui dit le spleen qui parfois nous assaille. Ecoutez :
Brumes et pluies
Ô fins d’automne, hivers, printemps trempés de boue,
Endormeuses saisons ! je vous aime et vous loue
D’envelopper ainsi mon coeur et mon cerveau
D’un linceul vaporeux et d’un vague tombeau.Dans cette grande plaine où l’autan froid se joue,
Où par les longues nuits la girouette s’enroue,
Mon âme mieux qu’au temps du tiède renouveau
Ouvrira largement ses ailes de corbeau.Rien n’est plus doux au coeur plein de choses funèbres,
Et sur qui dès longtemps descendent les frimas,
Ô blafardes saisons, reines de nos climats,
Que l’aspect permanent de vos pâles ténèbres,
– Si ce n’est, par un soir sans lune, deux à deux,
D’endormir la douleur sur un lit hasardeux.Charles Baudelaire
Les fleurs du mal