Il est de ces animaux dont on se méfie. On les dit sales, se vautrant dans la fange, incapables de porter à leur aspect un soin que l’on voudrait raffiné. On y recourt pour qualifier des comportements que l’on réprime.
Pourtant, le cochon sait prendre la pause et afficher un air dédaigneux à celui qui, au loin et l’appareil pointé, veut l’immortaliser. Je me dois donc de vous raconter cette étonnante histoire de l’admirable cochon.
Ce cochon là était en effet tout à fait aimable. Il s’était hissé à la porte pour recevoir les caresses de ceux qui ne s’arrêtent ni aux préjugés ni aux « qu’en dira-t-on ». Il n’avait pas reculé à la main tendue ; la même, qui dans quelques mois, viendrait le suspendre à un croc et en faire saucisson, confit, côtes et autre boudin. Il avait même souri, je crois, quand les enfants s’étaient approchés de lui. Ah qu’il m’était sympathique, ce cochon !
Ayant tenu la pose, il s’en retourna. Et, laissant le photographe que j’étais un moment arrêté par tant de grâce porcine, il s’écria :
Je suis le porc, le vérat qu’on ne regarde point !
Vous me fuyez, me morigénez sur mon hygiène, riez de mon groin
Vous vous plaignez de mes odeurs, vous amusez de mon tire-bouchon
Vous me moquez, me rabrouez, parfois même insultez mon nom.
Mais, cochon qui s’en dédit,
Venez à m’apprécier quand votre assiette je garnis.
Où est alors votre dédain teinté de mépris,
Quand de mon fumet vous pouvez goûter la saveur ?
Allez, partez en paix, n’ayez nulle crainte ni peur.
De tous vos sarcasmes, je ne vous tiens pas rigueur !
Pour tout vous dire, j’en suis resté baba, interloqué et au final, je dois l’avouer, un peu bête.
Pour le coup, nous sommes assurés que dans le cochon tout est bon.
Plus sérieusement, qu’il est agréable parfois de se laisser charmer par un joli visage, et de s’étonner que ce visage n’est rien en regard de la tête bien pleine qu’il habille.
Quand les belles photos prennent pour cadre les mots bien choisis, j’ai le même ressenti et pense au talent, voire au génie.