L’activité photographique est une activité solitaire. Certes, les clubs photos, les fora, les expositions et autres lieux de rencontres des photographes amateurs et professionnels sont nombreux, mais l’acte de photographier est un acte solitaire.
Bien souvent, lorsque je suis avec mon appareil, je ne suis pas seul ; les enfants, Marie, des amis sont avec moi. Je ne suis pas seul mais souvent je suis derrière. Avec les enfants, je crois que c’est pire car eux, ils sont souvent loin devant, portés par cette vitalité et cette envie de dévorer le monde, d’explorer des territoires inconnus ou à redécouvrir. Ce matin-là d’automne fut de ceux-là et les enfants sont là-bas au loin, on les devine à peine. Marie les suit à bonne distance et moi je suis encore une fois à la traîne, ayant laissé s’attarder mon oeil, parfois mon appareil, sur quelque objet, reflet, ou encore personne qui passent.
Nous étions donc partis nous balader dans ce parc que les enfants aiment bien parce qu’il regorge de choses à escalader, d’un labyrinthe de verdure à parcourir, d’un skate-park à pratiquer même à pied. Ce n’était pas la première fois que nous y venions ; nous y allons même régulièrement. Mais pour la première fois, je me rendis compte de l’inscription qui orne le portail d’entrée :
Aujourd’hui ce qui est parfait retarde.
Cela m’a fait sourire ; ce qui me retarde, me suis-je dit, c’est d’avoir le nez à l’air, à rechercher une photo, à aiguiser mon regard, à essayer de m’imprégner de tout ce qui m’entoure. Et c’est bien parce que cette fois-ci où nous prenions cette entrée par laquelle nous passons rarement, j’étais équipé de mon appareil que je me suis rendu compte de cette inscription. Zola, ce passionné de photographie, avait raison quand il déclarait au début du siècle précédent :
A mon avis, vous ne pouvez pas dire que vous avez vu quelque chose à fond si vous n’en avez pas pris une photographie révélant un tas de détails qui, autrement, ne pourraient même pas être discernés.
Emile Zola
Entretien accordé à la revue The King
Ce qui est marrant, c’est que quand j’ai montré cette photo à Marie, elle aussi a découvert cette inscription sous laquelle elle était passée à plusieurs reprises mais à laquelle elle n’avait, comme moi auparavant, jamais prêté attention.