Que les brumes sont de magnifiques alliées du photographe.
Elles estompent, dissimulent ou encore travestissent la réalité et nous offrent des paysages oniriques. Souvent, au matin j’espère que la brume ou le brouillard seront au rendez-vous et me permettront de redécouvrir des tableaux que, pourtant, je crois parfaitement connaître pour les arpenter régulièrement.
N’êtes-vous, vous-même, jamais tombé en admiration sur un trajet quotidien devant ce spectacle sublime de la brume se levant sur une prairie familière qui, irradiée d’une lumière diffuse et subtile, vous apparaît alors magnifique ?
Comme nombre d’autres qui s’adonnent à la photographie de paysage, j’ai en effet des attentes météorologiques particulières : j’appréhende les ciels d’un bleu limpide et pur et je les préfère tourmentés ; je redoute la lumière intense et uniforme car j’aspire à des percées, à des variations, à ces pointes de lumière en nuances et dégradés. Tout ce qui au final me rapproche de la normalité , c’est mon aversion du vent. Non pas parce qu’il emmêle les cheveux, je ne me sens pas concerné ; pas plus parce qu’il agresse les oreilles, une bonne capuche réglant l’affaire, mais parce qu’il ne permet guère de prendre des photos convenables, du moins à mon goût.
La brume donc, offre souvent des opportunités photographiques insoupçonnées.
Certes, le brouillard¹ est fréquemment source d’inquiétudes, et pas seulement lorsque jeté sur l’autoroute, on ne perçoit que trop tard, et le palpitant au bord de la surcharge, les feux arrière de ce poids-lourd qui se traîne.
Certes, le brouillard est l’ingrédient privilégié de bien des films d’horreur, par l’atmosphère pesante qu’il crée.
Derrière la brume, c’est en effet l’incertitude qui pointe. Notre imagination peut alors s’épanouir et des formes informes deviennent subitement, par des paréidolies terrifiantes, l’expression de nos angoisses ou pour les plus optimistes, sous l’effet de leurs prédispositions favorables, de formidables rêves éveillés.
Eh bien moi, bizarrement, alors que – ou peut-être parce que – je suis plutôt d’une nature anxieuse, j’aime en photographie cette incertitude.
L’incertitude est le pire de tous les maux jusqu’au moment où la réalité vient nous faire regretter l’incertitude.
Alphonse Karr
Les guêpes
¹ Minute scientifique : selon Météo-France, brume et brouillard sont un seul et même phénomène, on parle de brume lorsque la visibilité est comprise entre 1 et 5 kilomètres, de brouillard lorsqu’elle est inférieure à 1 kilomètre.