Elles sont passées, bruyantes mais ordonnées. J’ai entendu dans leur cris percer comme une moquerie.
Nous étions cloués au sol, nous, tristes humains portant masques. Il nous restait l’envie, à les voir ainsi, arborant fièrement leur V fendant le vent.
Sans attestation, elles allaient rejoindre le soleil. Elles franchiraient les terres et les montagnes, les lacs et les landes. Elles étaient insensibles à ce flot incessant d’informations ne parlant plus que pandémie, déversé par tous les sachants et experts qui peuplaient radio, télé et presse écrite. Cette logorrhée aliénante nous tenait prisonniers de nos angoisses.
Nous, nous n’avions droit qu’au kilomètre alors nous regardions le ciel. Avec elles, nous voyagerons.
Nous enfourcherions notre grue. Nous serions Nils Holgersson et, à défaut de jars, une grue nous conviendrait. Il nous faudrait seulement trouver un tomte.
Et quitte à changer l’histoire, nous n’irions pas au Nord. Nous tirerions droit vers le Sud.
Nous serions libres, enfin libres.
Ce qui vient au monde pour ne rien troubler ne mérite ni égards ni patience.
René Char
Fureur et Mystère