Lorsque le soir, on se promène à proximité d’une cathédrale, on se demande souvent s’il ne va pas nous apparaître. Est-il réel ou n’est-il qu’un personnage de roman ? L’a-t-on tant imaginé qu’il nous est devenu familier ou l’avons-nous si souvent croisé qu’on est certain de sa réalité. Eh bien, je m’étais mis ce soir-là en quête de le retrouver et je m’en vais vous conter comment je m’y pris.
Pour le rejoindre, il me fallut, avant tout, choisir une cathédrale. Pas n’importe laquelle évidemment. Celle-ci devait tout d’abord avoir force gargouilles, toutes plus horribles les unes que les autres afin de protéger le lieu le plus efficacement possible et éloigner les curieux et les couards. Elle devait ensuite avoir un clocher particulièrement haut qui lui permettait de surveiller alentours et repérer quiconque approcherait. Elle devait enfin se nimber des mystères les propices au foisonnement des imaginations fertiles, plus sérieux rempart contre les visites indésirables.
Le lieu étant trouvé, je m’équipais donc. On ne peut en effet se laisser surprendre par un fâcheuse impréparation et l’équipement est essentiel. Car malgré ce corps difforme, le monstre est vif et pour le fixer sur son capteur, il convient de savoir, dans le noir, viser juste et vite. Un appareil capable des plus hautes sensibilités n’est donc pas superflu. Pour autant, et comme rien ne sert de se précipiter, l’approche se doit d’être méthodique et notamment il faut avoir repérer l’antre du bossu sous tous les angles. En cela un trépied peut-être utile et en tout cas fortement recommandé.
Le matériel prêt et mon courage rassemblé, on peut s’avancer en s’assurant d’effectuer un repérage des plus vigilants.
D’abord, traverser la rivière en utilisant le pont que des ancêtres prévoyants et maçons auront bien voulu vous construire.
Ensuite, se faufiler par les jardins, sous les feuillages – la veste de treillis pourra être un atout, mais tout vêtement sombre fera l’affaire – des arbres que des aïeux bienveillants et jardiniers auront pris le soin d’élever.
Enfin, s’approcher du clocher à pas feutrés même si on prétend qu’il est sourd et que le plus grand des vacarmes ne saurait le perturber :
Sonneur […] à quatorze ans, une nouvelle infirmité était venue le parfaire ; les cloches lui avaient brisé le tympan ; il était devenu sourd.
On n’est toutefois jamais suffisamment prudent et je pensais sage de ne pas toujours croire ce que dit le poète !
Il ne reste plus alors qu’à attendre, tous les sens à l’affût.
Ce que je fis, longtemps, très longtemps, très très longtemps. Et savez-vous ce qu’il advient ?
Rien !
De cette expérience, j’ai tiré un enseignement : la prochaine fois quand je partirai à la rencontre de Quasimodo, je viendrai avec Esméralda… Il faisait si froid que je n’avais pas eu le coeur à lui demander de m’accompagner, elle qui si souvent est trop légèrement vêtue !
Elle dansait ainsi, au bourdonnement du tambour de basque que ses deux bras ronds et purs élevaient au-dessus de sa tête, mince, frêle et vive comme une guêpe, avec son corsage d’or sans pli, sa robe bariolée qui se gonflait avec ses épaules nues, ses jambes fines que sa jupe découvrait par moments, ses cheveux noirs, ses yeux de flamme, c’était une surnaturelle créature.
Victor Hugo
Les Misérables
Retrouvez les images de cette déambulation dans la série A la recherche de Quasimodo