Sur la mythique avenue Unter den Linden, à Berlin, se trouve un mémorial dédié « aux victimes de la guerre et de la tyrannie » : die Neue Wache (la nouvelle garde). Ce bâtiment à l’allure martiale, construit par l’architecte allemand Karl Friedrich Schinkel, a connu au cours du 20ème siècle une évolution sémantique de sa vocation qui traduit bien, je trouve, les vicissitudes de ce 20ème siècle. Poste de garde au moment de son érection (1818), et fonction à laquelle il doit évidemment son nom, il devient en 1960 sous le régime de l’Allemagne de l’Est un mémorial dédié « aux victimes du fascisme et du militarisme », puis, en 1993 après la réunification, acquiert sa destination actuelle.
La Neue Wache ne faisait pas partie du programme de visite que nous avions préparé : nous avions mangé dans une brasserie du haut de l’avenue et nous dirigions vers l’île des Musées. Nous avons alors remarqué cet imposant bâtiment, compris qu’il se visitait librement. Nous n’avons pas ouvert notre guide, avons suivi le mouvement par curiosité. Ce n’était pas une foule compacte, ce qui nous aurait certainement fait fuir, mais quelques passants qui pénétraient dans ce lieu. Le soleil était à son zénith, et le contraste fort avec la pénombre qui régnait à l’intérieur nous obligea à un peu de patience, le temps que notre vue s’accoutume.
A l’intérieur de ce symbole du classicisme allemand, nous nous trouvions dans une immense salle vide à l’exception d’une statue et d’une gerbe de fleurs. Un puits de lumière éclairait faiblement la salle. Les personnes présentes n’étaient pas nombreuses, 5 à 6 au maximum selon les souvenirs que j’en ai. Dans cette salle, une double surprise nous attendait.
La première fut celle de rencontrer, pour la troisième fois de notre séjour pourtant bref dans la capitale allemande, une connaissance française. Nous en avons alors définitivement déduit que Berlin n’était pas faite pour les escapades amoureuses adultérines ! Nous n’étions pas concernés, je vous rassure, mais ce fut la réflexion que nous nous sommes faits, en même temps, quelques instants après avoir salué notre amie. Il faut dire qu’en descendant du tram, le soir de notre arrivée et alors que nous nous dirigions vers notre hôtel, nous avions déjà croisé un autre collègue !
La seconde fut celle de cette statue. Nous ne savions pas où nous étions, n’avions pas encore cherché dans notre guide. Nous nous sommes laissés emporter par le silence et l’émotion. Il y avait, me semble-t-il mais je n’en suis plus certain aujourd’hui, un espace pour s’asseoir et méditer. Je m’y suis installé. J’ai porté l’appareil à l’oeil, attendu que personne ne se trouve dans le champ. Nous nous retrouvâmes un moment uniquement tous les deux dans cette salle, j’ai pris plusieurs clichés avant que de nouvelles personnes arrivent. Marie m’a rejoint et nous avons ouvert notre guide :
Les oeuvres de Kathe Kollwitz, souvent déchirantes, sont profondément marquées par la détresse ouvrière et le chagrin maternel. L’artiste a en effet perdu un fils lors de la Première Guerre mondiale et un petit-fils lors de la Seconde. Sa magnifique pietà en bronze (La Mère et son fils mort) exposée dans le nouveau corps de garde en témoigne douloureusement.
Nous sommes restés encore quelques moments dans cette salle. Nous nous sommes levés et avons poursuivi notre visite d’une ville qui recèle de nombreux endroits de recueillement dont je ferai, je pense, une série prochainement.
J’aime beaucoup la photo.
A raison d’une visite par jour, je savoure lentement les richesses de ton art, cher cousin.