Tangram

La ville est un tangram, ce casse-tête où cinq triangles, un carré et un parallélogramme s’articulent. Les lignes se croisent, s’entrecroisent et nous désorientent, pendant que contre les murs de béton, rebondi par l’écho, le bruit du déclencheur nous étourdit.

Certains pratiquent l’écriture automatique et moi j’ai cherché la photographie d’instinct. J’ai marché ainsi, sans but, dans la torpeur de l’été. Porté par mon oeil, j’ai arpenté la dalle et parcouru l’esplanade. Je n’ai pas composé, pas disposé, pas cherché à comprendre.

Cinq triangles, un carré et un parallélogramme.

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J’ai marché jusqu’ici.

Tic tac, tic tac, tic tac, le moment défile au rythme des photographies qui me saisissent. Clic clac, clic clac, clic clac, je suis absent à l’instant et réduit à l’essence de mes sens. Pourquoi celle-ci ? je ne sais pas et cela aurait pu être une autre. Mais puisque tout était dans le cadre – du rouge et des gens, des courbes et le temps- elle m’irait.

Cinq triangles, un carré et un parallélogramme.

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J’ai marché jusque là aussi.

Et c’était encore une évidence.

Quasi à l’aveugle, l’appareil au ras du sol, j’ai appuyé sur le bouton. Et puisque c’était naturel qu’il fut là, parfaitement aligné, ça le serait tout autant qu’il rejoigne, dans le boitier, tous les autres – les gens, les choses, les sensations – qui avaient accompagné ma déambulation.

Nulle autre raison ne m’était nécessaire. Il était comme le signal qui marquait la fin de la dalle, le bout de l’esplanade. Il était un avertissement que bientôt le monde réel reviendrait…

Cinq triangles, un carré et un parallélogramme.

Et puis, il y a eu cette cour à gauche, enchâssée entre les immeubles, espace de vie après les espaces de verre de ce quartier d’affaires. Et ce vert justement. 

Et quand je suis arrivé, je suis resté un moment hors de tout, ébranlé par la révélation, submergé par l’émotion.

Cinq triangles, un carré et un parallélogramme.

Mes larmes grésillent
en éteignant
les braises

Bashô Matsuo

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